Explorer l’espace, une affaire de femmes, d’hommes, de robots et de poubelles...

Le 12 mars 1961, pour la première fois dans l’Histoire, un être humain volait dans l’espace. Le célèbre pilote soviétique Youri Gagarine, à bord du petit module sphérique du vaisseau Vostok, effectue une orbite complète autour de la Terre en presque deux heures, à une altitude moyenne de 200 km. Malgré un trajet retour un peu mouvementé, le module n’ayant pas adopté la bonne orientation pour rentrer dans l’atmosphère terrestre, l’opération est un succès historique et retentissant. Ce vol marque le début d’une nouvelle ère, celle de la conquête spatiale.

gagarine-portrait

Youri Gagarine
 

L’américain Alan Shepard réitère cet exploit en mai de la même année.

Avec les missions américaines sur la Lune dès 1969, puis avec la construction de la station spatiale (soviétique puis russe) Mir en 1986 suivie de l’ISS (International Space Station) en 1998, l’ère spatiale emmène de nombreux êtres humains dans l’espace.  Des engins automatiques et des robots participent aussi à l’effort d’exploration, notamment sur Mars. Des projets européens ou plus récemment,  indiens, chinois, arabes se concrétisent. Des entreprises privées comme SpaceX ou Blue Origin s’intéressent également à l’espace.

 

alan shepard Alan Shepard

La conquête spatiale en quelques chiffres

60

12

77

14

5

ans depuis le premier vol spatial habité par un humain

hommes à avoir foulé le sol lunaire

 

l’âge de l’astronaute le plus âgé lors de son dernier vol, John Glenn

durée en mois du plus long vol spatial habité (Valeri Polyakov)

rovers sur la planète Mars (et au total une vingtaine d’objets terrestres)

5

10%

25

100

22

mois depuis la mission habitée la plus récente

 des personnes ayant volé dans l’espace sont des femmes

l’âge de l’astronaute le plus jeune lors de son premier vol, Guerman Titov

l’altitude en kilo- mètres de la limite entre atmosphère terrestre et espace

distance en milliards de kilomètre parcourue par la sonde spatiale la plus lointaine

Et demain, la conquête spatiale ?

Même si la station spatiale internationale (ISS) est pratiquement habitée par des humains en permanence, les agences spatiales entrevoient de nouveaux horizons encore plus lointains pour l’exploration spatiale.

Par exemple, l'intention de la NASA est de retourner sur la Lune d’ici 2024. En hommage au programme Apollo, comprenant les premières missions lunaires habitées, c’est maintenant le nom d’Artemis, sœur d’Apollon, qui a été donné à ce futur programme spatial. Cette féminisation souligne la nouvelle ambition de la NASA d’envoyer la première femme sur la Lune. Avant cela, des vols robotiques sont prévus pour préparer le terrain et déployer sur le sol lunaire davantage d’habitat, d’instruments, et d’explorer la Lune bien plus en profondeur que la mission Apollo. Au-delà des vols habités d’Artemis, la NASA table également sur la construction d’un “Gateway” spatial (passerelle), en orbite autour de la Lune, soit un genre de station-service pour les vols habités plus longs, notamment vers Mars. En effet, à l’agenda de l’agence spatiale américaine figure également le vol habité vers Mars. À l’heure actuelle, aucune échéance n’est avancée, mais l’on parle des deux ou trois prochaines décennies. Le rover Perseverance, récemment arrivé sur la planète rouge, et d’autres missions robotiques doivent d’abord être déployées pour comprendre les enjeux et les difficultés de l’exploration martienne.

gateway nasa Vue d’artiste du Gateway lunaire envisagé par la NASA. Image : NASA.

L’un des défis de cette ambition martienne reste la conception du vaisseau : Comment rentrer en toute sécurité dans l’atmosphère martienne et atterrir en douceur ? Le vaisseau devra être le plus léger possible, or les astronautes auront besoin d’une grande quantité de matériel et de provisions. Serait-il possible de faire pousser de la nourriture sur Mars afin de minimiser la charge à embarquer ? Qu’en est-il de l’eau, peut-on utiliser l’eau présente sur Mars ? Comment embarquer suffisamment de gaz respirable par les astronautes, ou comment le fabriquer sur place si possible ?

Les difficultés majeures liées à l'exploration humaine de Mars seront aussi médicales. Le voyage devrait prendre au moins deux ou trois ans ; comment survivre si longtemps dans l’espace ? Comment pallier la perte musculaire subie par les humains en micro-gravité ? Comment faire en cas de pépin de santé sur une planète désespérément sans hôpital ? Comment se protéger des rayons cosmiques (ceux-ci correspondent aux radiations présentes dans l’espace - rayonnement solaire et particules chargées - et dont l’atmosphère terrestre nous protège) ? Comment gérer les aspects psycho-sociaux d’une  telle  aventure, surtout pour l’équipage ? À la fois sur Terre et sur Mars, ces questions sont encore en cours d’étude.

Outre le vol habité, le futur de l’espace sera commercial. En effet, depuis les années 2000, il est de plus en plus commun pour les agences spatiales de s'associer à des entreprises privées. Outre des partenariats dans le développement d’instruments ou de lanceurs, la privatisation de l'espace consiste pour des entreprises à utiliser des engins spatiaux pour leurs services, par exemple de surveillance, de navigation ou de télécommunications. Envoyer un objet dans l’espace devient de moins en moins cher, et la miniaturisation des technologies permet de concevoir des engins spatiaux légers et faciles à mettre en orbite, à tel point qu’il est devenu possible d’envoyer des dizaines de satellites à la fois en un seul lancement. Ainsi, les constellations de satellites sont de plus en plus fréquentes. L’exemple le plus célèbre est sans doute la constellation Starlink, lancée par SpaceX. L’ambition de SpaceX est de déployer en orbite basse pas moins de 12 000 petits satellites, qui fourniraient une couverture Internet mondiale stable. Depuis les soixante premiers satellites Starlink lancés en mai 2019, cette constellation en compte déjà près de mille. D’autres méga-constellations sont en cours de déploiement, comme celles de OneWeb ou Blue Origin. Cette avancée technologique inquiète pourtant une partie de la communauté scientifique, et pour cause : ces méga-constellations aggravent considérablement la pollution spatiale. 

L'encombrement spatial est lié au trop grand nombres d’objets en orbite autour de la Terre. En effet, si des extraterrestres existaient et observaient la Terre, ils verraient une petite planète bleue… entourée d’un nuage dense d’instruments spatiaux, dont seulement une petite partie est en activité. Pourquoi cet encombrement et quels risques pour la conquête spatiale ?

Où vont les engins spatiaux après leur vie ?

A priori, il y a “beaucoup de place” dans l’espace, assez de place pour continuer de lancer des sondes et satellites indéfiniment. Le problème, c’est que seulement certaines gammes d'altitude sont d’intérêt. Par exemple, les satelltites de télécommunication, qui ont besoin d’une bonne transmission de signaux jusqu’au sol, privilégient des orbites basses, entre 300 et 2000 km d'altitude. Les satellites qui doivent observer toujours la même zone du globe, comme certains satellites météorologiques, occupent plutôt des orbites géostationnaires, autour des 36 000 km d'altitude. Entre ces deux gammes, on parle d'orbite moyenne, comme les orbites autour de 20 000 km d'altitude qui abritent les satellites GPS. De plus, la plupart des satellites sont conçus pour vivre quelques années, soit la durée de fonctionnement de leurs instruments et de leur alimentation en énergie. Leur fin de vie ne fait en général pas l’objet de la mission. Mais alors, que leur arrive-t-il ?

space junk esa Représentation de l’encombrement spatial autour de la Terre. Image : ESA.

La majorité des satellites, notamment en orbites basses et moyennes, sont simplement abandonnés. On compte alors sur la gravité terrestre pour les ramener progressivement vers la Terre, où ils finiront par retomber et se désintégrer, soumis à de grandes températures dues aux frottements avec l'atmosphère. Ce trajet de retour n’est pas calculé ni planifié, si bien qu'il peut prendre jusqu’à des centaines d’années en fonction de l'orbite initiale du satellite. Cela signifie que ces satellites inertes, véritables déchets spatiaux, encombrent l’espace pendant de longues années avant de peut-être retomber sur Terre. D’autres, avant d'être abandonnés, sont déplacés. Ainsi, les géostationnaires sont souvent rejetés sur des orbites "poubelle", environ 300 km au-delà de leur altitude d’origine. Cette stratégie permet de dégager les orbites géostationnaires, utiles, et d'ainsi protéger les satellites actifs d'éventuelles collisions, mais ne fait que reporter le problème de ces déchets un peu plus loin.

Outre les instruments inactifs, les déchets spatiaux peuvent également être des morceaux de fusée ou d’autres équipements spatial. Le Bureau des Débris Spatiaux de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) a recensé en 2019 à peu près 4900 satellites en orbite, dont seulement 2000 sont en activité. Ce même bureau affirme qu’un total de 23 000 objets sont suivis par les réseaux de surveillance des débris.

Les déchets spatiaux encombrent les orbites des satellites utiles. Le risque majeur à prendre en compte est alors celui d'une collision. Pour mitiger ce risque, certains organismes, comme le NORAD (North American Aerospace Defense Command), traquent les déchets spatiaux depuis la Terre, notamment à l'aide d’antennes radar. De cette manière, les responsables des satellites actifs sont informés si un débris risque de croiser l'orbite de leur instrument, et ils peuvent alors rectifier sa trajectoire pour l’éviter. Tout est-il sous contrôle, alors ?

Ce n'est pas si facile. Les radars ne peuvent pas tout détecter, et les débris les plus petits peuvent leur échapper. En orbite basse, la limite de taille détectable est d’à peu près dix centimètres, et en orbite moyenne et géostationnaire, d’environ un mètre. Or, même un petit objet, comme un boulon, peut faire des dégâts. Les satellites embarquent des instruments optiques et électroniques d'une grande finesse, et voyagent souvent à des vitesses considérables (plusieurs kilomètres par seconde au moins) les rendant vulnérables même aux "petites" collisions. Le vrai problème réside dans le risque d’avalanche : une collision peut produire des nouveaux débris, forcément plus petits que les objets initiaux, et représenter ensuite un risque additionnel plus difficile à détecter, donc à même de créer de nouvelles collisions plus difficiles à éviter. L’espace finira-t-il saturé de déchets ?

Satellites vs Debris Estimation du nombre de débris de différentes natures par l’ESA.

Même si on n'en est pas encore là, la problématique des déchets spatiaux est préoccupante. D’après les observations de l’ESA et de l’ONU, de plus en plus d’objets sont lancés dans l’espace, et le voisinage de la Terre se remplit donc plus vite qu’il ne se vide. Vu la mise en orbite des méga-constellations, ce rythme n’est pas près de s’inverser. Or, l'exploration spatiale et l'utilisation d'instruments spatiaux sont essentielles et bénéfiques pour l'humanité, aussi bien pour la recherche scientifique (notamment sur le changement climatique) que pour la géolocalisation (les GPS), la météorologie, la gestion des catastrophes naturelles, et progressivement, les télécommunications. C'est pourquoi l’ESA développe petit à petit des stratégies d’écologie spatiale.

  • PRÉVENTION : les nouveaux satellites sont quasi systématiquement munis de détecteurs anti-collisions pour limiter l'effet d’avalanche. Leurs responsables sont également encouragés à prévoir des stratégies de retour qui ne prennent pas plus de 25 ans.
  • RECYCLAGE : une fois ses instruments usés, au lieu d'être purement abandonnés, le satellite en fin de vie pourrait être remis sur pied et réalimenté par un autre instrument spatial prévu à cet effet. L’ESA a déjà imaginé un tel dépanneur de l’espace, e.Deorbit, qui serait à terme capable de venir en aide à des instruments spatiaux en fin de vie pour “recharger” leurs batteries, y ajouter de nouveaux instruments, ou y réparer des dommages. L’approche est ici de lancer moins de nouveaux instruments et de stabiliser l'encombrement spatial.
  • COLLECTE : dans certains cas, ces véhicules de service pourraient simplement servir à renvoyer les débris vers la Terre. D’ailleurs, la capture de satellites “morts” et leur renvoi vers la Terre était initialement l'unique mission de e.Deorbit. L’idée est d’attacher le petit véhicule sur le débris et de lui communiquer une petite poussée dans la bonne direction, pour le sortir de son orbite et le renvoyer vers la Terre. Ce genre de service a déjà été proposé aux agences spatiales par des entreprises privées. Par exemple, la start-up japonaise Astroscale proposera sous peu un petit engin capable d’approcher et rediriger les étages supérieurs des fusées vers la Terre, pour leur éviter une vie de débris spatial (en effet, les fusées se séparent progressivement des parties devenues inutiles au fur et à mesure de leur ascension vers l’espace, et l’étage supérieur est le seul à atteindre l'altitude de destination car il contient généralement l’instrument à amener en orbite. Une fois séparé du satellite, cet étage reste le plus souvent abandonné en orbite.). L’entreprise suisse ClearSpace prévoit une mission semblable avec l’ESA pour récupérer l’étage supérieur du lanceur Vega, en orbite basse depuis 2013.

D’autres moyens ont été proposés pour simplement ramasser les débris spatiaux, dont certains plus exotiques, comme un balai spatial laser, rapidement abandonné vu son potentiel de destruction sur Terre. Ainsi, la prise de conscience au niveau des débris spatiaux a déjà bien eu lieu chez les acteurs de l’industrie spatiale, même si la route vers un environnement spatial aussi propre que possible est encore longue.

Activité : nettoie les déchets spatiaux !

Toi aussi participe au nettoyage des déchets spatiaux. Monte à bord de ta fusée et collecte un maximum de satellites inactifs, tout en évitant les météores. Tu peux aussi détruire les météores en tirant dessus mais attention à ne pas te faire toucher et finir, toi aussi, en déchet spatial. À toi de jouer !

Découvrir le jeu

Réflexion : comment ramasser les poubelles ?

Peux-tu imaginer une solution pour ramasser ou nettoyer les orbites encombrées de déchets spatiaux ? Inspire-toi des solutions proposées par l’ESA, ou de ce que nous faisons de nos déchets sur Terre, ou encore de tes films de science-fiction préférés. Dessine ton invention et partage-la sur la page Facebook de Réjouisciences !



Dossier préparé par les "YoungMinds" de Liège. 

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